Homélies de la semaine de Pâques

Apparition aux 500 - Rupnik - Genève église Ste-Marie du Peuple - Chemin de Joie mosaiques résurrection
Apparition aux 500 - Rupnik - Genève église Ste-Marie du Peuple - Chemin de Joie mosaiques résurrection

Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Alleluia !

C’est le cri de Pâques, accrochons-le à nos fenêtres et nos balcons en signe de joie et d’espérance pour nous-mêmes et pour le monde !

Vigile Pascale 2020

Homélie : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, Alleluia !

Quand Dieu créa la lumière et la sépara des ténèbres, il vit que la lumière était bonne. C’est vrai qu’elle est bonne, la lumière ! Que ferions-nous sans elle ? Quand Dieu créa la terre et le ciel, les mers et les continents, les herbes, les plantes, les arbres, les fruits, les étoiles… il vit que cela était bon ! Et quand il créa les poissons, les baleines et autres monstres marins, les oiseaux, les bestioles, les bêtes sauvages, les chiens, les chats, les orangs-outans et les affreux reptiles, il vit que cela était bon ! Surtout, quand il créa l’homme et la femme à son image, il vit que cela était bon et même très bon !

Oui, la création est bonne, fondamentalement bonne ! La crise de la pandémie et tant d’autres événements pourraient toutefois nous en faire douter. Cela nous rappelle que ce monde qui nous entoure n’est pas éternel, il a une fin. Même les étoiles qui brillent dans le ciel ne sont pas immortelles. Elles meurent un jour ou l’autre. Si la création est bonne, si le monde peut aussi, par bien des aspects, nous inviter à l’émerveillement, il est aussi soumis à la finitude et à la mort. Nous en faisons aujourd’hui la douloureuse expérience.

Cette finitude, cette limite de la vie, nous en sommes également responsables, du moins en partie : par la violence, l’égoïsme et le péché qui habitent notre cœur. L’histoire pourrait même s’arrêter là… Mais Dieu n’a pas fini son œuvre créatrice avec le récit de la Genèse. En cette nuit de Pâques, il vient inaugurer une nouvelle création, encore meilleure, du très très très bon pour le coup ! Il vient recréer une lumière qui ne s’éteint jamais : celle du Christ ressuscité ; une terre ferme et stable pour toujours : son Royaume des cieux ; une vie qui ne finit pas : celle du Christ sorti du tombeau… Toute la création est ainsi renouvelée en cette nuit de Pâques.

Il est vrai que Dieu aurait pu tout effacer et recommencer son œuvre à zéro. Faire un autre monde, tout différent. Mais s’il arrive aux hommes d’être infidèles, lui ne veut pas rompre son alliance avec les hommes. Les prophètes, comme Ézéchiel, n’ont cessé de le rappeler : si les hommes sont infidèles, Dieu est fidèle.

La bonne nouvelle de Pâques est que nous sommes appelés à la vie et à la vie en abondance. Le baptême, que nous célébrons d’ordinaire au cours de cette nuit, est la porte d’entrée à cette vie en abondance. Il nous purifie. Il nous éclaire par cette lumière qui ne s’éteint pas qu’est le Christ.

Oui, une création nouvelle, un monde nouveau s’ouvre cette nuit devant nous. Pour le voir, les yeux ne suffisent pas. Comme Marie-Madeleine et les femmes au tombeau, il faut regarder avec les yeux de la foi et du cœur, interpréter les signes qui nous sont donnés : la pierre roulée, le tombeau vide, le témoignage de ces femmes et des apôtres… Ou encore les signes d’aujourd’hui : la Parole de Dieu, la communion qui nous unit malgré le confinement, les actes de bienveillance et de don de soi, les petits clins d’œil du bon Dieu… Pour qui voit ces signes, avec les yeux de la foi, un autre monde s’ouvre, une espérance grandit dans son cœur. Le monde bon qui nous entoure est toujours bien là, avec aussi ses limites, ses finitudes et ses angoisses, mais il est désormais ouvert, par la résurrection du Christ, à un monde où la vie que nous avons reçue sur cette terre peut s’épanouir pleinement.

Oui, Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, Alleluia !

Abbé Luc Terlinden

Dimanche de Pâques 12 avril 2020

L’homélie en vidéo

Abbé Bruno Druenne

Lundi de Pâques 13 avril 2020

 

Homélie

<figure class=”oembed-img align-right”><img title=”Les femmes coururent annoncer…” src=”https://www.saintecroix.eu/wp-content/uploads/2020/04/417a980ab215e30ffd95837b56123e46.jpg” sizes=”(max-widht: 1400px) 100vw, 1400px” alt=”Jésus et la femme adultère, Boissoudy” /></figure>

Un événement, deux réactions. La manifestation de l’ange provoque une peur tétanisante pour les gardes, – c’est ce que nous avons lu lors de la veillée pascale –, tandis qu’elle met les deux femmes dans la course pour annoncer la bonne nouvelle.

L’épisode des gardes qui rapportent aux grands prêtres ce qui s’est passé autour du tombeau est propre à l’évangile de Matthieu. Il s’inscrit dans la répétition dans son évangile des conseils que tiennent les pharisiens, les grands prêtres ou les anciens pour nuire à Jésus, pour le prendre en défaut et finalement pour le livrer aux Romains. Il y a de la part de ces juifs un refus de voir en Jésus le Messie annoncé. Ce refus correspond à leurs convictions ou leurs intérêts. Les pharisiens sont des juifs pieux, avec lesquels Jésus entretient d’ailleurs des relations régulières. Mais ils sont attachés à la tradition de loi de Moïse. Cette loi prime sur la foi. Pour eux, le respect des rites est plus important que la relation à Dieu. Les prêtres et les anciens sont les représentants de l’ordre établi. Cet ordre leur assure leur fonction, leur influence, leur pouvoir. Un prétendu messie viendrait mettre en péril leurs privilèges, leur situation. Cela détournerait les foules des rituels qu’ils ont la charge de faire respecter et qui, pour ce qui est du temple, leur procurent des revenus. Jésus est pour eux une menace. Qu’il soit le Messie, le Fils de Dieu ou non n’est pas leur problème. Leur unique souci, c’est d’éliminer ce gêneur.

Et quand au final les gardes leur rapportent l’évènement extraordinaire de la disparition du corps de Jésus et de l’apparition d’un ange qui annonce sa résurrection, – car même saisis de terreur, ils assistent quand même à cet événement –, le conseil des grands prêtres n’a recours qu’à ce qu’ils connaissent et ce qu’ils pratiquent : corruption des gardes, mensonges et manipulations.

Face à cette attitude de négation de l’évidence, Matthieu oppose Marie Madeleine et l’autre Marie qui se précipitent pour rapporter le message de l’ange aux disciples. Et cette joie d’annoncer la bonne nouvelle les mettent soudain en présence du Christ lui-même. C’est ce Jésus qu’elles ont aimé, mais c’est aussi le Christ, Fils de Dieu, et Dieu lui-même. Et il s’adresse d’ailleurs à ces deux femmes comme personne divine. Il reprend ces mots propres aux annonciateurs divins : « Soyez sans crainte ». C’est la rencontre d’un Tout Autre, et en même temps tellement familier.

Comment sommes-nous devant la résurrection du Christ ? Sommes-nous comme les deux Marie, joyeux, enthousiaste, prêts à la rencontre avec Dieu ? Sommes-nous comme les gardes, complaisants, faciles à nous détourner de Jésus pour préserver nos avantages matériels ou notre sécurité ?

Certains peuvent témoigner d’une rencontre décisive avec Dieu. C’est ce qui est arrivé à Saint Paul sur le chemin de Damas. Mais pour beaucoup, c’est un chemin de vie. Ce n’est que petit à petit que nous prenons conscience de la réelle importance de cette résurrection dans nos vies personnelles : l’Amour est plus fort que la mort. Et la rencontre avec le Christ se fait par petites touches, par petits pas. Puisse être ce temps pascal une occasion pour chacun de nous de faire un petit pas vers le Ressuscité. Soyons convaincu qu’il est sur notre chemin quand, rempli de joie, nous allons annoncer : « Il est vraiment ressuscité. Alléluia ! »

André Vanderstraeten, diacre

Mardi de Pâques 14 avril 2020

Homélie

L’actuelle crise sanitaire cause énormément de dégâts humains et économiques. C’est un immense défi pour l’humanité et en même temps pour nous les croyants. Nous nous interrogeons souvent pour savoir : qu’est-ce que Dieu veut nous dire par-là ? Quel message veut-il nous livrer ? Qu’est-ce qu’il attend de nous ? À quoi nous invite-t-il ?

Si nous voulons savoir ce que Dieu veut nous dire, nous devons regarder la situation actuelle dans une perspective plus large. Nous ne sommes ni les premiers ni les derniers, ni même les plus touchés par ce type de drame.  Dieu veut nous dire toujours : dans chaque misère, dans chaque souffrance, il faut être du côté de ceux qui souffrent et souffrent de misère. Dieu est toujours du côté des souffrants et des persécutés.

L’évangile d’aujourd’hui nous parle de la manifestation de Jésus ressuscité à Marie Madeleine. Qui est-elle Marie Madeleine ?

Marie de Magdala est la femme la plus présente du Nouveau Testament. Dans l’Évangile de Saint Luc, elle est présentée comme celle que Jésus a délivrée de sept démons. Par la suite elle devient une de ses disciples qui l’a suivi jusqu’à sa mort. Pour les quatre Évangiles, elle est le premier témoin de la Passion du Christ et de la Résurrection de Jésus. Ils la nomment présente  à la mise en croix avec les autres femmes ; dans les trois évangiles synoptiques elle assiste également à la mise au tombeau. Marie de Magdala devient la figure du vrai disciple, la figure de tout chrétien.

Après l’ensevelissement en hâte de Jésus, puisque le sabbat s’approchait, le premier jour de la semaine Marie revient au tombeau pour embaumer le corps de Jésus mais le corps n’est plus là. La souffrance pour Marie continue, elle pleure. Tout en restant près du tombeau, elle est au comble de sa souffrance ; à la question des anges : Femme pourquoi pleures-tu ? elle répond : « on a enlevé mon Seigneur… ». La perte d’un être cher est tellement lourde à porter. Pour Marie, Jésus est Seigneur avant même qu’elle ne le rencontre ressuscité. Dans la phrase prononcée par elle, retentit la confession de Pierre de la première lecture : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié ». La foi de Marie est déjà bien orientée mais elle n’atteint pas encore sa cime. Elle reste en deuil. Cette question : “Femme pourquoi pleures-tu ?” évoque pour elle tout le passé. Marie reste enfermée dans la douleur ; la tombe reste encore son point de repère.  Elle cherche encore du côté de la mort. Jésus est encore pour elle un souvenir du passé.

Jésus repose à Marie la question des anges en ajoutant une question de plus : « Qui cherches-tu ? » C’est dans le souvenir vivant de Marie que Jésus trouve la percée pour atteindre sa foi. En effet, en l’appelant par son nom, il fait résonner en elle ce moment où elle a retrouvé sa vie, le jour où elle a été guérie de sept démons. C’est cette rencontre de jadis avec Jésus, qui lui a procuré une nouvelle vie. Elle se le rappelle et à ce moment-là elle redécouvre son Rabbouni. Quelle belle nouvelle : Jésus ressuscité est le même que celui de l’histoire et notamment de son histoire à elle. Le crucifié est le Seigneur et Christ.

Du coup, après avoir reconnu Jésus, la foi de Marie mûrit, elle atteint sa cime, elle devient vivante. Marie se met en route au service de ses frères. Elle se met du côté de la vie au service de la vie. Elle porte désormais à ses frères la bonne nouvelle « “J’ai vu le Seigneur” et elle raconte ce qu’il lui avait dit ».

En effet, dans tous les drames que nous vivons actuellement, Jésus ressuscité reste au côté de ceux et celles qui souffrent, qui pleurent, qui ne peuvent plus susciter la vie, l’espérance. Jésus voit nos larmes, nos souffrances, nos douleurs. Il entend nos questionnements, il comprend nos situations. De même que pour Marie, il nous est souvent difficile de le reconnaître, d’entendre sa voix.  Le risque de nous enfermer sur nous-même, nous guette. C’est pourquoi quand nous sortons de chez nous pour rester auprès de nos frères et sœurs souffrants alors notre foi atteint sa cime. La rencontre avec le Christ Ressuscité nous conduit vers la rencontre avec nos frères et la rencontre avec eux vers Dieu.  Dieu est toujours du côté des souffrants et des persécutés.

Pawel Slowik, scj

Mercredi de Pâques 15 avril 2020

 

Homélie

<figure class=”oembed-img align-left”><img title=”Les femmes coururent annoncer…” src=”https://www.saintecroix.eu/wp-content/uploads/2020/04/04e61697d56defc0eeef8c8bc1ebc21f.jpg” sizes=”(max-widht: 1400px) 100vw, 1400px” alt=”Jésus et la femme adultère, Boissoudy” /></figure>

Le pape François a appelé, en cette fête de Pâques, à la « contagion de l’espérance ». Pourtant, le verbe « espérer » n’apparaît presque jamais sous la plume des quatre évangélistes ! Plus encore, une des seules fois où le verbe « espérer » apparaît dans les évangiles, c’est pour exprimer une espérance déçue : celle des disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 21).

Ceux-ci avaient toutefois bien des raisons d’espérer. N’étaient-ils pas les disciples de ce Jésus, en qui beaucoup avaient reconnu le Messie ? N’avaient-ils pas espéré qu’il serait le libérateur d’Israël ? Qu’avec lui, tout s’arrangerait ? Que la terre d’Israël serait débarrassée de l’occupant romain ? Mais le beau rêve d’un libérateur pour Israël est brisé. Jésus est mort crucifié, son corps repose désormais au tombeau. C’est fini. Le beau rêve s’est évanoui. La vie quotidienne reprend, avec ses soucis, ses tracas, ses petits côtés… sous l’occupation romaine, toujours !

Sur le chemin d’Emmaüs, nous devinons les interrogations et les désillusions qui devaient habiter le cœur des disciples. Pourquoi Dieu s’est-il tu ? Pourquoi n’est-il pas intervenu ? Comment a-t-il pu abandonner son ami, le Saint, le Juste, entre les mains des chefs religieux, qui l’ont livré aux Romains ? Cette expérience n’est-elle pas aussi parfois la nôtre ? Devant telle situation difficile, comme la pandémie actuelle, ne nous arrive-t-il pas de mettre toute notre espérance en Dieu pour voir le problème résolu ? Et pour mettre tous les atouts de notre côté, nous allons aussi mettre les saints dans le coup : la Vierge Marie, saint Antoine, sainte Rita pour les causes désespérées… Parfois, nous avons pourtant l’impression que cela n’y fait rien, que Dieu se tait. Qu’il serait même absent de nos vies : « j’ai beau le prier et l’invoquer, je ne sens pas sa présence… »

Pour les disciples d’Emmaüs, toutefois, à l’espérance déçue de ne pas avoir reconnu finalement en Jésus ce libérateur de l’occupant romain, ce Messie qui allait régler toutes leurs affaires et rétablir la nation d’Israël, à la désespérance, va répondre la présence d’un étrange voyageur sur leur route. Que fait celui-ci ? Il les écoute. La première chose que Jésus fait, en s’approchant des disciples, est de les écouter, de les laisser exprimer leur espérance déçue, leur désillusion. Peut-être que si Dieu se tait quand nous appelons vers lui, c’est parce qu’il veut prendre d’abord le temps de nous écouter, d’écouter nos détresses et nos amertumes !

Mais Jésus ne fait pas qu’écouter. Il va ensuite ouvrir les disciples au sens des Écritures, pour y découvrir que les vues de Dieu sur l’histoire humaine ne sont pas toujours nos propres vues. « Mes pensées ne sont pas vos pensées » dit Isaïe (Is, 55, 8). L’espérance n’est pas toujours celle que vous croyez ! Car les Écritures vont fonder une nouvelle espérance : non plus l’espérance d’un Messie qui viendrait arranger toutes nos petites affaires, à la manière d’un Merlin l’enchanteur, mais l’espérance d’un Messie doux et humble de cœur, d’un Messie crucifié. Dieu est là, présent, mais sa puissance et sa gloire se déploient dans la faiblesse du serviteur souffrant et humilié. Les Écritures sont une source d’espérance. 

Enfin, après avoir écouté les disciples, après les avoir ouverts au sens des écritures, Jésus va rompre le pain. C’est alors que « leurs yeux s’ouvrirent, et qu’ils le reconnurent » (Lc 24, 31). La foi en la résurrection va les ouvrir à l’espérance de Pâques. Le Seigneur est bien présent, vivant. Il est là, particulièrement à la fraction du pain lors de la messe.

Aujourd’hui, laissons-nous donc surprendre et rejoindre par cet étrange voyageur, jusque dans nos échecs, nos désillusions, nos espérances déçues… A la croix, nous pensions que Dieu était impuissant, qu’il ne pouvait plus rien faire. Laissons-nous alors surprendre par la présence discrète et attentive de Jésus Ressuscité sur nos routes, dans les Écritures ou dans l’hostie quand nous aurons la joie de pouvoir à nouveau la recevoir… Là, Dieu vient manifester sa toute-puissance : même la mort n’a pas eu le dernier mot, elle est vaincue !  Là où régnaient le désespoir et l’échec, vient renaître, dans nos propres vies, l’espérance !

Ab. Luc Terlinden

Jeudi de Pâques 16 avril 2020

Écouter l’évangile du jour (Prions en Église)

Homélie

Dieu écrit droit avec des lignes courbes !  Voici une affirmation chère au Père Stan Rougier et qui s’applique admirablement pour l’apôtre Pierre à l’œuvre dans la première lecture de ce jour.  Quelle belle figure que Simon-Pierre !  J’avoue avoir toujours eu un faible pour cet apôtre car il incarne selon moi très bien notre nature humaine, bien souvent pas totalement noire ou blanche, pas entièrement parfaite ni désespérément mauvaise mais en nuances de gris, côtoyant les coups d’éclat, les coups dans l’eau et les coups bas.  Nous l’abordons souvent en catéchèse pour montrer ses élans fougueux, ses paroles fortes, ses affirmations radicales mais aussi ses moments de doute et ses actes moins glorieux comme bien sûr son triple reniement de Jésus qui nous a été rappelé les jours précédents.  Qui peut dire qu’il n’aurait pas fait de même à sa place, à la perspective de se voir condamné et crucifié comme Jésus ?  Sans doute peu de monde.  Cela n’a pas empêché Jésus de lui signifier : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » et de le voir ici remplissant parfaitement sa mission, à l’image d’un élève modèle. 

Il est vrai qu’entre l’acte bien malheureux du reniement de Pierre et son discours d’aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et surtout, des évènements significatifs se sont produits : la mort et la résurrection du Christ ainsi que la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint relaté au chapitre 2 des Actes, et le premier miracle que Pierre vient d’accomplir juste avant ce discours, la guérison d’un infirme au temple.  Pierre était donc présent lors de la scène de l’Évangile de ce jour, il a vu le Christ ressuscité, il a vu ses mains et ses pieds, il l’a vu manger du poisson grillé.  Ce ne sont plus des paroles théoriques en l’air, c’est une vraie rencontre avec un être de chair et d’os, pas un fantôme ni un esprit !  Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette rencontre avec le Christ ressuscité ainsi que le don de l’Esprit et l’accomplissement de son miracle ont eu un effet radical sur Pierre : son discours est fort, sans équivoque, plus aucun doute pour lui, il applique à la lettre ce que Jésus a demandé.  Son discours suit en effet fidèlement les préceptes édictés par Jésus dans l’évangile : il fait référence à Moïse, aux prophètes, au fait que le Messie devait souffrir et puis ressusciter des morts, en sa qualité de témoin de cette résurrection, à la conversion des péchés…  Le professeur Jésus peut être particulièrement fier de la belle progression de son élève Pierre : autant au début il avait bien du mal et mettait du temps à comprendre, autant ici il a bien appris sa leçon.  Ce n’est pas pour rien non plus que la tradition attribue l’écriture des Actes à saint Luc, le rapprochement entre les deux textes est ici particulièrement frappant.

Il y a deux autres éléments qui me touchent particulièrement dans le chef de Pierre et qui peuvent être de nouvelles bonnes notes à ajouter à son bulletin du jour (je vais finir par le faire rougir).  Le premier est qu’il a également bien assimilé la compréhension des Écritures telle que Jésus lui a enseignée tout au long de sa vie terrestre et notamment dans l’évangile de ce jour.  Pierre cite Moïse, Dieu parlant à Abraham et il fait référence au « Serviteur Jésus ».  Ce titre de « Serviteur » est souvent donné au Christ par les premiers chrétiens et fait référence bien sûr aux lavements des pieds des apôtres par Jésus, à toute la vie de Jésus donnée aux Hommes mais surtout parce que les premiers chrétiens, dont évidemment Pierre, ont reconnu en Jésus le Serviteur annoncé par Isaïe.  Ce dernier propose quatre poèmes du Serviteur dans ses écrits (Isaïe 42 / 49, 1-6 / 50, 4-11 / 52, 13 à 53, 12), le deuxième nous était proposé comme première lecture ce mardi saint.  Le deuxième élément à mettre à l’actif de Pierre est que, dès ses premiers mots, il tient à ne pas s’attribuer le mérite du miracle qu’il vient d’accomplir mais à s’effacer devant le Serviteur Jésus et devant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.  Jésus lui-même ne ramenait jamais à Lui mais bien vers Dieu son Père.

L’apôtre Pierre a donc accompli un beau chemin malgré ses errements du début et ses nombreux et graves faux pas.  Le choix de première pierre pour l’Église était, sans surprise, le bon.  Il a été le premier Pape de notre Église, même ses successeurs ne devraient donc pas trop craindre de soutenir la comparaison avec lui, aucun homme n’a jamais été parfait mais il peut tendre vers la perfection en suivant le plus fidèlement possible les enseignements du Christ.  N’hésitons pas à prendre Pierre comme modèle pour nous aujourd’hui et à puiser notre espérance en la fête de Pâques, en la résurrection du Christ pour nous enlever nos doutes et nous convaincre que Dieu écrira droit malgré les lignes courbes de nos vies respectives.

Olivier Dekoster

Vendredi de Pâques 17 avril 2020

Écouter l’évangile du jour (Prions en Église)

Homélie

<figure class=”oembed-img align-right”><img title=”Pêche Miraculeuse – Rupnik – Genève église St-Martin Onex – Chemin de Joie mosaiques résurrection” src=”https://www.saintecroix.eu/wp-content/uploads/2020/04/PecheMiraculeuse-Rupnik-Genève-église-St-Martin-Onex-Chemin-de-Joie-mosaiques-résurrection.jpg” sizes=”(max-widht: 1400px) 100vw, 1400px” alt=”Pêche Miraculeuse – Rupnik – Genève église St-Martin Onex – Chemin de Joie mosaiques résurrection” />

<figcaption class=”photo-credit”>Pêche Miraculeuse – Rupnik – Genève église St-Martin Onex – Chemin de Joie mosaiques résurrection</figcaption>

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L’épisode de la pêche miraculeuse est une mine de signes et de sens. Son parallélisme avec le même épisode relaté chez Luc est réel, mais les différences entre les deux récits donnent une signification différente. Dans les deux cas, les pères de l’Église ont vu dans le filet lancé dans l’eau le symbole même de l’Église. Dans le récit de Luc, le filet est tellement lourd qu’il risque de se casser. C’est sans doute l’image de cette Église naissante confrontée aux contradictions, aux différents courants de pensées qui la traversent et qui mettent son unité en péril.

Chez Jean, le filet est rempli de 157 poissons. On ne peut pas être plus précis ! L’attention est attirée par ce chiffre. Les premiers commentateurs des évangiles, dès les premiers siècles, ont voulu en trouver le sens. Une des explications est que 157 est l’addition des 17 premiers nombres : 1 + 2 + 3 + … + 17 = 157. Hasard ou symbole ? L’explication serait qu’à cette époque, en Palestine, on dénombrait 17 sortes de poissons. Le symbole est donc l’Église (le filet) qui rassemble l’humanité entière (toutes les sortes de poissons). Cette explication est interpelante. Il y en a d’autres, toujours basées sur des calculs plus ou moins cabalistiques, mais qui aboutissent toujours à la même conclusion : l’expression d’une totalité.

Chez Jean comme chez Luc, cette scène s’inscrit dans la mission des Apôtres, la mission de l’Église. Notre mission ! Mais c’est quoi notre mission ? Dans notre quotidien, ce n’est pas toujours facile à discerner. Apparemment, ce n’est pas plus clair pour les Apôtres, qui ont pourtant vu le Christ ressuscité à deux reprises (sauf Thomas). Bizarrement, on ne retrouve ici que cinq Apôtres seulement, avec deux disciples. Moi, je les imagine un peu désœuvrés, assis au bord de l’eau, plongés dans leurs pensées, lançant des cailloux machinalement dans l’eau ou faisant distraitement des dessins dans le sable. Et puis Pierre, que l’on sait impulsif, a besoin de bouger, de faire quelque chose. Il en a un peu marre de rester sans rien faire. Il lance son : « Je m’en vais à la pêche » sur le ton du ras-le-bol. Les autres le suivent ; tant qu’à faire, autant s’occuper et profiter la barque de Pierre plutôt que rester sur cette plage. Une pêche stérile, dans la nuit ; une pêche sans réel objectif.

Le jour vient, Jésus vient. Jésus est lumière. À l’invitation du Christ, le filet est relancé et revient rempli. C’est l’abondance.

Petit passage drôle : Pierre voit le Christ, s’habille et se jette à l’eau. Donc il était « nu » (ce n’est pas anormal à cette époque), et pour se lancer dans l’eau, il met ses vêtements ! Moi, j’aurais plutôt fait l’inverse… Mais Pierre ne se lance pas simplement dans l’eau : il sort de la barque pour aller vers le Christ, vers Dieu. Encore un parallélisme avec un épisode chez Matthieu, où Pierre sort de la barque pour marcher sur l’eau vers le Christ. Mais dans l’épisode chez Matthieu, l’eau est le siège des forces du mal que le Christ foule aux pieds, et Pierre à sa suite. Ici, l’eau est féconde, pleine de poissons, pleine de vie. Pierre se lance vers Dieu et traverse la vie, la fécondité, l’abondance. Et c’est lui, qui ramène le filet sur le rivage. Et c’est ensemble qu’ils participent, par le partage du poisson et du pain, à la communion eucharistique.

Ce filet ramène toute l’humanité à Dieu : c’est la mission de l’Église ; c’est notre mission. Mais comment puis-je, dans mon quotidien, être cette réconciliation de l’humanité avec Dieu ? Eh bien pour commencer, en me réconciliant moi-même avec Dieu. Je ne serai jamais crédible si l’autre ne perçoit pas chez moi cette réconciliation.

Être réconcilié avec Dieu, c’est être habité de cette foi que Dieu m’aime, comme je suis, physiquement, intellectuellement, psychologiquement, moralement. Dieu m’aime de manière inconditionnelle. Être profondément convaincu qu’il aime inconditionnellement l’autre, mon prochain.

Nous sommes si prompts à trouver des défauts chez l’autre, à critiquer ses choix ou ses erreurs. Un premier pas pour vivre cette réconciliation avec Dieu, pour vivre cette communion avec le Christ, ne serait-ce pas simplement de respecter l’autre tel qu’il est, sans condition ? Ses choix sont les siens. Il a certainement de bonnes raisons de les faire. Il les fait avec ses moyens. Je peux l’écouter, respecter son point de vue et lui donner le mien. Je peux attirer son attention sur un point qui me semble important ou dangereux. Mais continuer à l’aimer malgré tout. Comme Dieu m’aime.

André Vanderstraeten, diacre dans l’UP Sainte-Croix

Samedi de Pâques 18 avril 2020

Écouter l’évangile du jour (Prions en Église)

Homélie

Nous vivons dans un monde où tout ce qui arrive est expliqué par des spécialistes et des experts de renommés. Ce sont eux qui nous rassurent, qui nous convainquent ou qui enlèvent nos doutes. Ils nous indiquent des lignes de conduite. Leurs avis comptent beaucoup dans le débat et influencent l’opinion publique. Toutefois leurs appréciations sont toujours fragmentaires et manquent souvent de visions globales. Et après tout, on se fie à eux, à tel point qu’on leur lègue notre faculté de réfléchir par nous-mêmes. Dans la foulée, on risque très facilement de négliger des avis de gens simples, moins cultivés mais qui par une grande expérience de vie, peuvent apporter leur contribution dans le débat public.

Il me fait sourire ce passage de la première lecture où les disciples de Jésus, Pierre et Jean, sont pris par des chefs juifs, pour des « hommes sans culture et simples particuliers ». En les appelant ainsi, les chefs du peuple visent à mettre en doute la crédibilité du témoignage des Apôtres. Cependant, malgré ces déconsidérations, les Apôtres n’arrêtent pas de proclamer ce qu’ils ont vu et entendu. Leur expérience du Christ ressuscité est plus forte que toutes les menaces, toutes les interdictions et toutes les déconsidérations. Il en va de même pour l’évangile d’aujourd’hui lequel présente une sorte de résumé de l’ensemble des apparitions racontées par les trois autres évangiles, que nous avons lus cette semaine. Marie de Magdala, malgré sa condition de femme dans le contexte de l’époque, où le témoignage de la femme était déconsidéré, est la première à faire l’expérience du Christ ressuscité. Là, ce sont des hommes sans culture et simples, qui témoignent, ici c’est une pécheresse qui porte la nouvelle de ce qu’elle a vu et entendu. Le temps pascal, que nous vivons chaque année, nous invite à refaire l’expérience du Christ pour en être chacun le témoin devant les hommes.  

En effet, faire l’expérience pascale c’est reconnaître la présence de Jésus ressuscité dans notre vie et de sa sollicitude pour nous. Il est vrai que l’initiative vient de lui. C’est lui qui va à la rencontre de ses disciples. Pour se faire reconnaître, il se fait voir à travers ses gestes et ses paroles d’avant sa résurrection. À Marie, il se fait reconnaître en l’appelant par son nom, aux deux disciples d’Emmaüs en rompant le pain, aux autres à la pêche miraculeuse. C’est lui, Jésus, qui éveille dans ses disciples ces souvenirs du passé pour se faire proche d’eux au présent. Par-là, Il veut leur annoncer qu’il restera pour toujours comme celui qui guérit, comme celui qui se donne jusqu’au bout, comme celui qui rend leurs engagements fructueux. Et le plus important est qu’avec lui la vie peut jaillir au moment le moins attendu par l’homme.

Oui, Jésus apporte un bouleversement dans la vie de Marie de Magdala, des deux disciples d’Emmaüs et des Onze. Jusque-là c’était Marie qui pleurait et cherchait la consolation maintenant c’est elle qui console ceux qui pleurent et sont affligés. Les deux disciples qui désertent la ville tout désespérés du coup reviennent pour annoncer aux autres l’espérance. Ceux qui ont été craintifs deviennent courageux. Oui, une nouvelle vie surgit !

 L’exemple des Onze nous rappelle que l’accueil du témoignage de ceux qui ont vu Jésus ne s’est pas fait sans difficulté. « Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient contemplé ressuscité. » Mais d’autre part, cela montre que nous n’avons pas affaire à des naïfs, à des illuminés…mais à des gens concrets, à la tête dure. Ils ne nous ont dit que ce qu’ils ont vu. Admirable modestie des apôtres, qui ne font que balbutier ce quelque chose qui s’est passé, et qui les a contraint à changer d’avis » … ils le reconnaissent humblement.

Et voilà, que désormais ces gens sans culture, simples, se mettent en route pour annoncer les merveilles de Dieu. Dès lors : « Quant à nous, il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu. » La mission de l’Église commence, la nôtre aussi et son fondement c’est la rencontre avec le Ressuscité dans la simplicité de l’accueil de sa sollicitude et dans le souvenir de sa vie entièrement donnée pour ses amis.

Pawel Slowik, scj

Célébration de ce dimanche

Dernière mise à jour : 19/4/2020