Un carême dans les fleurs
Une belle méditation du p. François Potez, prêtre parisien, qui donne un souffle d’espérance et de joie au carême.
« C’est de ma mère que je tiens cela :
il y a deux façons de faire, dans un jardin.
Il y a ceux qui sont obsédés par les mauvaises herbes.
Ils passent leur temps à essayer de les éradiquer.
Au bout du compte, les meilleurs obtiennent un jardin impeccable – et ils en sont très fiers. Tout est au cordeau, sans une herbe sauvage.
Mais il n’y a pas une fleur : ils n’ont pas eu le temps de s’en occuper.
Et puis il y a ceux qui sont passionnés de fleurs. Ils passent leur vie à les soigner.
Au passage, ils arrachent une mauvaise herbe, bien sûr.
Mais ils n’en font pas une affaire : ce qui les intéresse, c’est de faire fleurir les massifs et de faire porter du fruit aux arbres du jardin.
Et au bout du compte, il y a tellement de fleurs qu’il n’y a plus de place pour les mauvaises herbes.
J’en ai assez de ces carêmes qui ne servent à rien. Tout y est négatif : on passe la première moitié du carême à détecter son défaut dominant (vous ne le savez pas encore, depuis le temps ?), et l’autre moitié à essayer de l’éradiquer.
Peine perdue : nous mourrons tous avec notre défaut dominant !
Les défauts ne diminuent pas avec l’âge, ils augmentent.
Heureusement, c’est la même chose pour les qualités.
À savoir, donc, si les qualités vont croître plus vite que les défauts, voilà la vraie question …
C’est une affaire de tactique et de regard.
« Il y a un temps pour arracher et un temps pour planter », dit Qohéleth (Qo 3,2 ), mais le plus important, c’est la récolte !
« C’est moi qui vous ai choisis et établis, dit Jésus, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15,16).
Je voudrais donc vous proposer un carême dans les fleurs …
Oh, bien sûr, il y a un peu de nettoyage à faire ! Il faut le faire de bon cœur, et joyeusement.
Mais il faut surtout se rappeler que le but n’est pas d’avoir un jardin bien propre, mais un jardin bien fleuri !
On le voit à l’avance, on l’imagine, on en rêve.
Il faut se lancer dans le carême les yeux et le cœur fixés sur l’alléluia pascal : comment vais-je le chanter cette année ?
Jeûner, c’est tailler.
Pourquoi taille-t-on un rosier ?
Pour trois raisons : la taille stimule et ravigote ; elle domestique la plante et lui donne une jolie forme ; et enfin, elle lui garantit une bonne santé en lui redonnant de l’air et de la lumière.
Il faut y aller généreusement avec les plus forts, et tout doucement avec les plus fragiles.
Prier, c’est soigner, nourrir la terre, donner de l’engrais, mettre un tuteur à ce rosier encore fragile, accrocher à un fil la branche indisciplinée de ce rosier grimpant … Il faut y passer du temps.
Une heure le dimanche ne suffit pas : il faut aller au jardin dès qu’on a un moment.
Un peu tous les jours : le jardinier passionné voudrait y passer sa vie !
Mais surtout, surtout, il faut de la gratuité, de la générosité.
Ça, c’est l’aumône : on donne des fleurs et des fruits à tout le monde, largement, sans compter.
Chez ma mère, il y avait toujours un bouquet dans la chambre, même quand on ne venait que pour une nuit. Même en hiver.
Et s’il n’y a plus de fleur, il y a toujours un sourire à donner.
Au travail, donc !
Quelles sont les fleurs que je vais cultiver pendant ce carême ?
Quelles sont les qualités, les talents que Dieu m’a donnés et dont il attend de beaux fruits ?
Pour ce qui est de la taille, à chacun de voir : on a l’embarras du choix, dans ces vies trop encombrées.
La prière, l’aumône ?
La paroisse a un large choix de propositions pour ceux qui se demandent où et quoi.
Des déchets à porter au fumier ? Le prêtre est là et vous attend pour le sacrement de la réconciliation.
Quant au sourire, pas besoin de conseil : tout est permis, et même recommandé !
Ah, je sais !
Je m’adresse à des parisiens qui n’ont pas tous la chance d’avoir un jardin … Alors j’ai une proposition à vous faire : chaque cellule paroissiale d’évangélisation est un beau jardin.
Ils sont tous différents, à chacun son originalité.
On n’y est pas trop regardant pour les mauvaises herbes, et on y soigne les fleurs avec humilité, grande joie et vraie délicatesse.
Et si on allait y faire un petit stage pendant le carême ? Les portes en sont grandes ouvertes et je vous le promets, vous ne le regretterez pas !
De tout cœur, je vous souhaite un beau et saint carême, au jardin ! »
2018, p. François Potez, alors curé de Notre-Dame du Travail
Dernière mise à jour : 26/2/2021